Nathalie Bontemps

Cinéma

La femme engagée est assise dans le noir. Elle entend des balles claquer. Elle s’y est presque habituée. Quand l’électricité déserte le quartier, elle se dit : « très bien, le film va commencer. » Elle se détend, dans une grande salle obscure, rien que pour elle, face au grand écran. Un petit technicien habillé en bleu, à qui elle a donné la clé, ouvre la porte de sa mémoire, et prend une bobine au hasard. Elle ne sait pas à l’avance quel film sera projeté. Parfois c’est ancien, muet, ou en noir et blanc. Parfois c’est une scène à laquelle elle a assisté une heure avant…

Aux funérailles, l’enfant avait à peine douze ans. Il était enveloppé dans un drap blanc qui enserrait son visage, et le brancard de bois vert sur lequel il était allongé était tenu à bout de bras par les gens, bien au-dessus de leur tête. Il flottait, passait de main en main, avançait, tournoyait, glissait, comme une embarcation sur des flots enragés. Des vagues le soulevaient soudain, et puis le ramenaient doucement, le lançaient vers l’avant tandis qu’il décrivait une succession de cercles, il naviguait sur le flot tourmenté des manifestants, mais sans jamais perdre l’équilibre, de sorte qu’on comprenait que leur sollicitude égalait leur emportement.

Le petit martyr navigue dans sa barque, sur une véritable mer d’amour et de colère. Le soleil de l’été est intransigeant. « Je jure de ne pas me venger ! » Crie une jeune femme debout sur une voiture. Tout le monde reprend la promesse avec elle. On jette de l’eau depuis les balcons pour rafraîchir les gens. Et la spectatrice solitaire, qui crève de froid sous une couverture, chantonne elle aussi les slogans.

       المرأةُ اليسارية جالسةٌ في العتمة. تسمعُ أزيزَ الرصاص. أوشكَتْ تعتادُه. حين تهجرُ الكهرباءُ الحيَّ تُسِرُّ لنفسها: "يا للروعة، الآن سيبدأ الفيلم". تسترخي أمام الشاشةِ الكبيرة، في صالةٍ كبيرةٍ معتمة هي لها فحسب. ثمة موظَّفٌ ضئيل في لباسٍ أزرق ناولَتْهُ المفتاحَ من قبل، يفتحُ بابَ ذاكرتِها، ويأخذُ شريطاً لا على التعيين. لا تعرفُ مُسبقاً أيّ فيلمٍ سيُعْرَض. إنه فيلمٌ قديمٌ صامت أو بالأبيضِ والأسود تارةً، وتارةً أخرى هو مشهدٌ شاهدَتْهُ منذ ساعة.                                                        

     في التشييع، كان عُمرُ الولدِ بالكاد اثنتي عشر سنة. كان ملفوفاً بشرشفٍ أبيضَ يحتوي وجهَه، والمشيِّعون يرفعون عالياً مِحفّةَ الخشب الخضراء التي مُدِّدَ فوقها. كان يطفو، متنقِّلاً من يدٍ إلى يد، يتقدَّمُ، يدورُ، ينزلقُ، كمركبٍ على أمواجٍ هادرة. كانت الأمواجُ ترفعهُ بغتةً، ثم تُرجِعهُ رويداً رويداً، وتقذفهُ إلى الأمام بينما هو يرسمُ متواليةً من الدوائر، مُبحِراً في خِضَمِّ المتظاهرين المتلاطِم، دون أن يفقُدَ توازنَهُ أبداً، مما يوحي بأنَّ حرصَهم عليه يُعادِلُ سُخْطَهم.                                              

     يُبحِرُ الشهيدُ الصغير في زورقهِ فوق بحرٍ حقيقيٍّ من الحبِّ والغضب. شمسُ الصيف لا تُساوِم. "أُقسِمُ على أنْ لا أنتقم!". تصرخُ امرأةٌ واقفةٌ على سطحِ سيارة. كلُّ المشيِّعين يردِّدُون القسَمَ معها. ثمة أناسٌ يرشُّون الماءَ من الشرفاتِ لتبريدهم. وكذلك، المتفرِّجة الوحيدةُ التي تموتُ من البرد تحت بطانية، تُدَندِنُ الشعارات.                                                      

Nathalie Bontemps

Nathalie Bontemps est née en 1977 à Paris. En 1999 elle s’installe à Marseille, où elle poursuit des études d’arabe et écrit ses deux premiers livres : Les HLM maritimes et Hôtel coup de soleil, publiés aux éditions P’tits Papiers en 2005 et 2008. En 2003 elle s’installe à Damas pour y continuer ses études, et y vit jusqu’à la fin de l’année 2011. Elle commence à travailler dans la traduction arabe-français en 2006, avec des traductions d’articles de sciences sociales pour les Instituts français (IFPO) de Damas et de Beyrouth. Entre 2009 et 2012, elle traduit des poètes et écrivains libanais: Abbas Beydoun, Hassan Daoud, Bassam Hajjar (éditions Actes Sud), Imane Humaydane (éditions Verticales). En 2013 et 2014 elle traduit des auteurs syriens : Aram Karabet (éditions Actes Sud), Joumana Maarouf (éditions Buchet Chastel). Elle collabore également à un dossier de littérature syrienne contemporaine pour la revue Siècle 21 (numéro 23). Sa nouvelle traduction, en collaboration avec Marianne Babut,porte sur « Récits d’une Syrie oubliée » de Yassine Al Haj Saleh, à paraitre aux éditions Les prairies ordinaires en mars 2015. Son troisième écrit,à paraître aux éditions Al Manar, est un recueil de récits inspirés de son expérience en Syrie. Les six textes présentés ici en sont tirés. Depuis 2012, elle vit à Saint Denis (région parisienne) et enseigne l’arabe à l’Institut des Cultures d’Islam, à Paris. Elle anime également l’association ChamS Collectif Syrie, qui s’efforce d’apporter de l’aide aux personnes victimes des violations des droits de l’Homme, tant en Syrie que concernant les réfugiés syriens à l’étranger.