nous avons atteint cet âge, notre perplexité ne s’achève pas, notre amour ne s’achève pas, la bête à l’agonie s’obstine, j’ai tranché la racine il en est poussé d’autres, l’ami qui disait Dante en italien, l’ami qui me rendait visite, l’ami qui pleurait et celui, vulnérable,

j’ai dit que j’aimais les hommes car ils ne sont pas faits pour le langage, ne me parle pas, ne me touche pas, existons ensemble sous la nuit, tombée, le matin nous trouvera trempés de sueur, sans force, reprenant l’errance, ne te fie pas, je cherche la même chose que toi, je manie le harpon, l’arc, la hache et fortuite, inextinguible, non comme assurance mais source, rôdent, corps sans vies, je n’ai jamais su le chemin, aucune, épars, prudemment parmi les décombres, impuissants, furieux, bêtes sauvages et bêtes douces, dont nous singeons la douceur, dont nous reprenons l’accent, lorsqu’enfantins nous nous disons perdus,

il eut cette ressource, s’enfonce dans la forêt profonde, y trouve bottes hautes, et glane un sens à son déclassement, chaussé de hautes bottes, ne se salissant pas les mains, astucieux, hardi, ce courage du cœur, une gaité qui défie toute peine, je te retrouverai fourbu, ton rire aura cette tristesse, mon rire ressemblera au tien, je ne te serrerai pas dans mes bras, je ne te consolerai pas de ma bouche, ni ne te supplierai, car ce n’est pas ainsi, je ne te soupçonnais pas, toi aussi, paumé, pauvre bête harassée, pauvre mule hagarde d’avoir trop tiré, pauvre bon cheval dos fourbu, ne te soupçonnais pas, bonhomme, proie des mêmes déchirements,

lorsque la nuit nos yeux s’allument cette flamme cachée dans le jour nous trahit et nous permet reconnaissance nos paupières ne les recouvrent pas la flamme enfouie plus profonde encore nos pistolets dans nos pantalons nos identités multiples notre adresse dissimulée sous nos corps maladroits mal fagotés mal fichus nous sommes faucons aux airs d’étourneaux le mot de passe est oublié ceux qui le savent savent qu’il n’y en a jamais eu nous avons échangé en contrebande cette marchandise précieuse qui ne s’achète ni ne se vend en avions eu pour notre compte elle circulait de main en main de verre en verre de sang en sang et pour les plus chanceux, eux, qui la partagèrent, de langue en langue, elle nous marquait durablement nous ne l’oubliions pas restions fidèles à son effet mais jamais n’en avons retrouvé de semblable et de mémoire,

cela ne se reproduit pas.