Nathalie Bontemps

Nathalie Bontemps

Nathalie Bontemps est née en 1977 à Paris. En 1999 elle s’installe à Marseille, où elle poursuit des études d’arabe et écrit ses deux premiers livres : Les HLM maritimes et Hôtel coup de soleil, publiés aux éditions P’tits Papiers en 2005 et 2008. En 2003 elle s’installe à Damas pour y continuer ses études, et y vit jusqu’à la fin de l’année 2011. Elle commence à travailler dans la traduction arabe-français en 2006, avec des traductions d’articles de sciences sociales pour les Instituts français (IFPO) de Damas et de Beyrouth. Entre 2009 et 2012, elle traduit des poètes et écrivains libanais: Abbas Beydoun, Hassan Daoud, Bassam Hajjar (éditions Actes Sud), Imane Humaydane (éditions Verticales). En 2013 et 2014 elle traduit des auteurs syriens : Aram Karabet (éditions Actes Sud), Joumana Maarouf (éditions Buchet Chastel). Elle collabore également à un dossier de littérature syrienne contemporaine pour la revue Siècle 21 (numéro 23). Sa nouvelle traduction, en collaboration avec Marianne Babut,porte sur « Récits d’une Syrie oubliée » de Yassine Al Haj Saleh, à paraitre aux éditions Les prairies ordinaires en mars 2015. Son troisième écrit,à paraître aux éditions Al Manar, est un recueil de récits inspirés de son expérience en Syrie. Les six textes présentés ici en sont tirés. Depuis 2012, elle vit à Saint Denis (région parisienne) et enseigne l’arabe à l’Institut des Cultures d’Islam, à Paris. Elle anime également l’association ChamS Collectif Syrie, qui s’efforce d’apporter de l’aide aux personnes victimes des violations des droits de l’Homme, tant en Syrie que concernant les réfugiés syriens à l’étranger.


Poèmes

En route pour l’autre planète

dit Ja Azad en sortant de son lit, à la fois souple comme un chat et ralentie par la vieillesse. Dans le premier soleil, les hommes, les femmes, les enfants, tout le monde marche dans la rue, comme pour accomplir un exode.

Vendredi matin

La femme engagée, qui n’a pas l’habitude de boire, dort d’un sommeil agité. A peine a-t-elle fermé les yeux qu’elle s’est aussitôt relevée, la même, mais encore plus légère, et peut-être un soupçon plus jeune. Elle a remis en hâte le pantalon et le pull de la veille, sans se soucier qu’ils sentent la cigarette


C’est ça, la liberté que vous voulez ?

Aujourd’hui, la pancarte de Kfar Nubul dit : « Uniquement en Syrie : les chutes de martyrs dépassent les chutes de pluie ». Ce matin Asia s’est réveillée avec une impression fraîche, malgré la poussière noire de la rue, et un bourdonnement d’oreilles psychosomatique, qu’elle attribue à la dernière explosion.

Qui sait ?

Amal est toute seule à la maison en face d’une pile de papiers. A l’école où elle travaille, en bas des grands escaliers, on a demandé aux enfants d’écrire un drôle de devoir. D’écrire une lettre au président.


Familles

Pourquoi un petit enfant sort-il en plein soleil, au cœur de juillet, torse nu sur les épaules de son père, alors qu’à tout instant, du haut des toits, des snipers peuvent tirer sur la manifestation ? Se demande le médecin Khaled devant la télévision.

Cinéma

La femme engagée est assise dans le noir. Elle entend des balles claquer. Elle s’y est presque habituée. Quand l’électricité déserte le quartier, elle se dit : « très bien, le film va commencer. » Elle se détend, dans une grande salle obscure, rien que pour elle