Poets of the world

Qui sait ?

Amal est toute seule à la maison en face d’une pile de papiers. A l’école où elle travaille, en bas des grands escaliers, on a demandé aux enfants d’écrire un drôle de devoir. D’écrire une lettre au président. Après demain, au lieu de rendre leurs feuilles aux enfants, elle devra les faire lire au directeur. Heureusement, ils ont écrit au crayon de couleur. Amal est allée chercher ceux de son fils dans les tiroirs. Elle en a des taillés, des aplatis, des secs, des gras. Elle lit attentivement. Avec les élèves dont les familles écoutent les chaines syriennes, ça va vite. Elle met une bonne note et passe au suivant. Son travail minutieux commence avec les autres, ceux dont la main laisse passer des paroles de chanson, des colères, des questions, des mots énergiques comme des poissons qui nagent aux quatre coins de la feuille. Délicatement, elle efface un mot et le remplace par un autre de la même couleur, avec un crayon de la même texture. Elle imite l’écriture. Elle dessine un soleil, un nuage ou un cœur pour noyer une ligne, jusqu’à camoufler complètement la lettre. Quand elle sait que le gamin est tiré d’affaire, elle se juge satisfaite et passe au suivant.

            Chaque vendredi, on donne un blouson noir à son mari. On le fait monter dans un bus, et on l’envoie vers une banlieue soulevée, faire une contre-manifestation, clamer son amour du président. On les fait descendre en face des autres et on les laisse tomber. La première fois, ils étaient à Qaboun. Ils ont fait quelques pas avec leur déguisement qui les faisait passer pour des agents de sécurité, et puis tout d’un coup ils ont vu un snipper tirer sur les gens du haut des toits. Ils se sont tous enfuis chacun de son côté, sous une pluie de pierres destinées aux agents de sécurité. Son mari, comme les autres, est rentré chez lui tout seul à pieds, il a marché des kilomètres dans les rues désertes et muettes du vendredi. Son esprit n’était-il pas aussi brouillé, repris, raturé, camouflé, qu’une de ces feuilles de papier ? Et qui interdit de penser que bientôt il ira le jour aux manifestations du gouvernement, et la nuit à celles de son quartier ? A un de ces rapides rassemblements sur les hauteurs de Qassioun, où la liberté apparaît quelques instants, défiant les lueurs aux abois de la ville en bas, défiant les chabbiha de pouvoir prendre aussi rapidement d’assaut les pentes abruptes, les tournants étroits, les rues en fil d’aiguille, la manifestation vole un moment dans les hauteurs, brille et se désagrège à la manière d’un feu d’artifice, et avant que les bus de la répression atteignent le sommet, chacun sera rentré chez soi, et qui sait, préparera tranquillement les photos du président pour la démonstration de soutien du lendemain, qui aura lieu en bas, celle où viendront un million de gens…

أمل في البيت وحدها، قدّامها ركامٌ من الأوراق. في المدرسة، حيث تعمل أسفل أدراج الجبل الكبيرة، سئل الأطفال وظيفة غريبة: كتابة رسالة إلى الرئيس. بعد غد، عوضاً عن إعادة الأوراق إلى التلاميذ، سيُطلب منها إعطاؤها إلى المدير لكي يقرأها. لحسن الحظ، كانوا قد كتبوا بأقلام تلوين خشبية. أحضرت أمل أقلام ابنها الملونة من الدُّرج، بعضها مبريّ وبعضها الآخر كليل الرأس أو ناشفٌ أو بَليل. تقرأ أمل باهتمام. الأمر يسيرٌ مع التلاميذ الذين يتابع ذووهم التلفزيون السوري، فتمنحهم علامة جيدة وتنتقل إلى من يليهم. يبدأ عملها الدقيق مع باقي التلاميذ الذين لا تصدُّ أيديهم كلماتِ أغانٍ، سخطاً، أسئلة، كلماتٍ مفعمة بالحيوية كأسماكٍ تسبحُ في أرجاء الصفحة. برقّةٍ تمحو كلمة وتبدّلها بأخرى من ذات اللون، مستخدمةً قلماً ذا مادةٍ مماثلة. تقلد خط الكتابة، ترسم شمساً، سحابةً أو قلباً لتغرق سطحاً وتموه الرسالة تماماً. وحين تدرك نجاة الولد من المأزق ترضى عن نفسها وتنتقل إلى مَن يليه.

يعطون زوجها سترة سوداء كل يوم جمعة. يُركبونه باصاً ويُرسلونه إلى ضاحية انتفضت ليشارك في مسيرة مضادة، ويصيح بحبه للرئيس. يُنزلونهم أمام الآخرين ثم يتركونهم وشأنهم. كانوا في القابون أول مرة. ساروا بضع خطوات بستراتهم التنكرية التي توهم بأنهم رجال أمن. وبغتةً رأوا قناصاً على أحد الأسطحة يسدد النار على الناس. فرّوا جميعاً، متفرقين، تحت مطر الحجارة التي صُوِّبت إلى الأمن. كالآخرين عاد زوجها إلى البيت مشياً. مشى كيلومترات في شوارع الجمعة المقفرة والخرساء. ألم يكن عقله مشوَّشاً، مشطوباً مموَّهاً كواحدةٍ من تلك الأوراق؟ ومَن يمنع الافتراض أنه عما قريب سيذهب نهاراً إلى مسيرات الحكومة وليلاً إلى مظاهرات حارته؟ أو إلى أحد تلك الاعتصامات السريعة في أعالي قاسيون، حيث تلوح الحرية بضع لحظات، متحدية أضواءَ المدينة التي تتربّص في الأسفل، مستفزةً "الشبيحة" إن استطاعوا هجوماً بمثل هذه السرعة على المنحدرات القاسية والمنعطفات الضيقة والشوارع الشبيهة بخيط إبرة، تحلق المظاهرة في الأعالي لحظةً فحسب، تومض وتخبو كألعابٍ نارية، وقبل وصول باصات القمع إلى القمة، يرجعون كلٌّ إلى بيته، ومن يدري قد يهيأ للغد على مهل صورَ الرئيس لمسيرة التأييد التي ستنطلق في الأسفل وسيشارك فيها مليون شخص؟

Nathalie Bontemps